Manoir...

La gigantesque double porte grinça en tournant sur ses gonds. L'intrus pénétra dans le grand hall du manoir, s'avançant d'un pas lent jusqu'au centre de la pièce. L'endroit baignait dans l'obscurité la plus totale, et si on ne pouvait les entendre, on devinait la présence de cohortes de chauves-souris suspendues au plafond.

Il craqua un allumette. La douce lueur éclaira le visage de fou d'Azariah. Davantage un réflexe qu'autre chose, il voyait dans le noir. Il regarda autour de lui. De multiples portes et escaliers se perdaient dans toutes les directions. La simple exploration du bâtiment allait prendre du temps, beaucoup de temps.

Il marcha jusqu'à la porte d'en face celle d'entrée. C'était la cuisine, une grande cuisine. Au passage, il fit tomber une étrange bouteille d'une étagère, mais n'y fit pas attention.

Azariah sourit. Ana avait eu raison, ils seraient bien ici.

Une jeune fille (ou jeune femme, peu importe...) somnolait à même le sol dans une des salles à l'étage, la plus proche de l'escalier en cas de danger. On ne sait jamais... Quelque fois qu'un vagabond viendrait envahir son nouveau refuge, ou même qu'on l'aurait traquée pour lui régler son compte. Vous comprenez, la jeunesse et sa kleptomanie... en particulier lorsqu'on court les rues sans rien dans les poches.

Son sommeil s'agitait encore. Quand elle se réveillerait elle ne saurait toujours pas si elle rêvait ou si ce n'était que le froid de la pierre. Elle avait parfois regretté la paille des fermes où elle squattait, mais un manoir pour elle toute seule, ca l'avait tellement tentée... Ah, se prendre pour une princesse, juste une fois, juste une semaine, juste pour rire... Et puis, il restait encore de quoi se nourrir dans la cuisine. Non, tout compte fait, ce lieu lui convenait, d'autant plus que les rumeurs des villageois à propos du manoir l'arrangeaient : des fantômes qui déciment toute une famille, c'est assez dissuasif. Elle s'y croyait en sureté, du moins encore pour une poignée de jours. Le temps que tout le rhum soit épuisé.

Le fracas caractéristique du verre brisé la tira brusquement de son sommeil. Un intrus ! Quelqu'un avait osé... Ou un rat, peut-être. Elle décida d'aller jeter un oeil et empoigna son stylet.
Un frisson lui parcourut l'échine sans qu'elle comprit vraiment pourquoi. L'air sentait le danger. Elle descendit les escaliers avec précaution... pour apercevoir une grande ombre vacillante dans la cuisine.

L'improbable Azariah se mit à faire l'inventaire du garde-manger avec intérêt. Il y avait de quoi tenir une semaine. Il avait de quoi tenir trois jours. Un sourire révéla une machoire carnassière à la vue des pièces de boucherie salée qui pendaient.

Ana ne tarderait pas à venir, il se dit qu'il serait bien qu'un dîner prêt l'attende. D'autant plus qu'ils avaient quelque chose à fêter. Au milieu de toutes ces saveurs de viande, ses narines captèrent soudain l'odeur de l'alcool.

Son nez sembla frémir de lui même, il tourna la tête, son regard luisant comme perles radioactives. Il ouvrit un placard qu'il n'avait pas encore exploré. Sa mandibule dégringola d'une vingtaine de centimètres au moins. Plusieurs futs de rhum n'attendaient que lui. Il ramassa deux verres et les remplit. Puis il se mit à préparer le repas.

Son instinct de survie avait depuis longtemps perdu sa vigueur, mais son ouïe l'informa d'une présence dans le grand hall. Un rat certainement. Il ignora aussitôt cette nouvelle donnée pour se concentrer sur sa cuisine.

La jeune fille s'approcha néanmoins à pas lents pour surprendre le malotru (et surtout s'en débarrasser !). Oh, elle avait déjà bien attaqué nombre de hors-la-loi, savourant toute l'excitation du danger... Mais quelque chose n'allait pas.
Elle se faufila jusqu'à l'entrée de la cuisine. Là, elle apercut les deux verres de rhum généreusement remplis ainsi que les placards ouverts et, dans un accès de colère, s'apprêta à lancer son poignard. Des débris de verre craquèrent sous son pied. Elle entrevit soudain l'éclat suspect des yeux de l'intrus, sursauta de panique, et eut à peine le temps de penser à se reprendre que l'alcool répandu à terre s'enflamma.

La flaque de rhum flamba d'un coup, carbonisant le visage d'Azariah qui se figea sur l'instant, le regard entre la surprise et l'irritation. Il toussota et un petit nuage de fumée sortit de sa gorge. Il avait toujours la bouteille en main, une petite flamme affleurant le goulot, on aurait dit un cierge new age.

Il laissa échapper un modeste et peu convaincu "Boo !..." à la fille. Vraissemblablement partie pour le tuer, c'était plutôt raté...

La flammèche bleutée qui dansait sur le rebord du goulot se mourut tandis qu'un fin duvet de givre vint la remplacer. Une sombre silhouette vêtue d'amples drapés venait d'apparaitre dans l'encadrement de la porte qui menait à la cave. Ses yeux brillant d'une lueur bleutée avaient eu le temps de voir Azariah mettre le feu à la cuisine.
La liche hocha sa macabre tête et fit irruption au pas de la porte.
"Ha non Azariah, tu ne va pas déjà commencer à nous faire tes cocktails molotov tant pour le cerveau que pour le bar!"
Puis se radoucissant.
"Je vois que tu te sens déjà chez toi ici, c'est plutôt bon signe. Je t'ai réservé la chapelle au fond du cimetière en guise de chambre tu verras comme tu vas y passer de trés bonnes journées. C'est calme et jolim..."
A cet instant, la liche prit enfin conscience qu'ils n'étaient pas seuls. Elle sentit cette aura vibrante caractéristique des vivants.
Elle s'avança dans la pièce et réprima son étonnement en voyant une petite mortelle figée au milieu des débris de verre, les pieds légèrement entaillés et calcinés, tenant un poignard à la main dans un air de fragile défi.
Se tournant avec des allures d'inquisiteur vers Azariah, en lui faisant des gros yeux, Anathème lui murmura.
"C'est qui? Une amie à qui tu veux montrer notre nouvelle demeure ou bien ton prochain plat en sauce?"

La flamme ardente lui chatouillant les pieds l'avait doublement surprise. Une vision apocalyptique la fit tripler de panique et elle jura malgré elle. "Merde, les futs d'rhum !" Elle s'employait (sans grand succès) à diminuer l'intensité du nouvel intrus (le feu, hein, pas l'autre... question de priorité) quand il (toujours le feu) gela d'un coup.

Elle entendit une voix étrangement féminine s'adresser à l'envahisseur. Figée, elle la regarda passer à côté d'elle - ce qui lui valut un second frisson désagréablement menacant -,se diriger droit vers lui, et finalement lui jeter un coup d'oeil intrigué.
Elle devina néanmoins d'où provenait la chute de température. "Ah, merci, tu tombes pile au bon moment. Encore un peu et c'est pas deux verres qui me seraient passé sous le nez, mais toute la cuisine..."

Ses yeux firent un moment du yoyo entre Anathème et la fille, qui semblait avoir quelque don pour la maîtrise du feu. Il n'aimait pas beaucoup être à la ramasse, ça risquait de le vexer méchamment.

Il haussa les épaules et vida ce qui restait de la bouteille qu'il tenait dans sa main, se léchant les babines. Il se saisit d'un troisième verre qu'il remplit.

Elle ne savait pas si elle devait s'inquiéter ou se rassurer de la nouvelle venue. L'un se vautrait sur un verre de plus. Peut-être qu'il y avait (légèrement) moins de risques qu'elle ne le croyait.
"Bon, je peux m'éviter une crampe à la main et ranger mon stylet, maintenant ?"
Elle marqua un temps de pause, se rappelant d'un petit détail vieux de quelques secondes.
"Eeeeeeeh douc'ment avec ca ! C'est sacré !"
Elle attrapa une bouteille pleine et la mit hors de portée du glouton.
La contempla deux secondes, hésita, finit par l'ouvrir et en engloutit la moitié.

L'autre la regarda faire hébété.

Ma bouteille... Eh en fait... t'es qui toi ?

"Oh, pardon, j'ai failli oublier ces fioritures de politesse. Enfin, remarque, je pourrais te poser la question aussi, hein. Ce n'est pas très poli de rentrer par effraction comme ca, et surtout d'aller piquer directement dans les placards de la cuisine.
Wilwarin, pour ne pas te servir. (Et si tu me laisses ma part de vivres je te permettrai... peut-être !... de zapper un nom pareil et de le diminuer un peu.) Humaine de passage.
Toi, par contre, tu ne m'as pas l'air très humain... Elle non plus, d'ailleurs."

AhhhaHAHA ! Moi c'est AZarIah.... traLAla
enchanté !

Permets moi de te présenter Ana, la liche. Glaciale non ? fit-il en la désignant du pouce.

Alors comme ça t'es humaine ? bien bien bien, j'aurais peut-être de quoi tenir deux jours de plus alors...
Tu sais l'humanité c'est pas définitif, ça peut se soigner, demande lui, ça lui a bien réussi !

Attends je te montre... euh, juste une seconde, dit-il en multipliant les gestes et mimiques en tous genres.

Ah ! Ana, ça fait plaisir de te voir ! Les autres se sont tous barrés depuis la Porte Noire. Qu'est-ce qu'on a géré là bas ! Pauvre Uriel, m'enfin il est plein de ressources tu verras, je suis sûr qu'il va s'en sortir ! En tout cas grâce à lui on a la paix pour un sacré paquet de siècles !

Allez, déclara-t-il en distribuant les verres, buvons à lui, un chic type pour un humain, tu vois Wel...euh... lala quelque chose, les humains ça peut servir !

Anatheme prit le verre que lui tendait Azariah. Dans un air songeur, pour trinquer au sacrifice d'Uriel elle porta la coupe à ses lèvres mais elle les trempa à peine. Son nez était froncé dans une grimace de dégout.
"Ha non! Azariah, ton palais est en granit c'est pas possible. Tu nous à servi du vinaigre!
Regarde là bas! j'ai fait amener ces deux fûts pour fêter dignement notre aménagement! De la bière Naine!!
Sur ces mots, elle prit trois pintes et les remplit.
Elle donna la sienne au vampire s'avança vers la jeune mortelle.
Alors, Wilwarin, comme ça tu te dis propriétaire des lieux hein? voilà qui est étonnant...Je suis passée plusieurs fois ici avant d'y amener des réserves afin de nous y installer avec Azariah et j'aurais senti ton aura...
La liche scrutait la jeune fille d'un œil soupçonneux. Au fond de ses prunelles dansaient des flammèches bleutées qui donnait à son regard une effrayante intensité.

La tension était palpable dans la pièce, l'air semblait même plus lourd, presque étouffant.
D'un coup cet étrange climat d'angoisse pesant sur la cuisine se déchira pour laisser place la fraicheur légère d'une bourrasque hivernale. La face osseuse de la liche s'était fendue d'un large sourire et un rire sonore s'en échappait.
"Ca fait toujours son petit effet sur les nouveaux venus ça!!"dit-elle goguenarde à l'adresse d'Azariah
Sur ce, elle tendit le verre à Wilwarin d'où une mousse écrue et dense affleurait.
"Alors? qu'est ce qui t'amènes ici, tu ne dois pas être là depuis plus de quelques jours..."

Azariah observait la scène l'air amusé, en lapant sa chope allègrement.

"Effectivement... ca fait cinq nuits. Je bouge beaucoup normalement, mais cet endroit me plait."
La démo de la liche l'avait... refroidie. Wilwarin retrouvait sa méfiance habituelle. Mais, enfin... ca l'avait diablement séduite. Le charme de l'opposé, surement.
Elle allait développer quand son ventre résonna dans toute la pièce d'un gargouillement tonitruant.
"Bon, c'est pas ca mais les bouteilles c'pas fait pour remplir l'estomac..."
Elle zieuta du côté d'Azariah, redoublant de méfiance. Après tout, il ne s'était pas clairement présenté, et quelque chose avait l'air suspect derrière l'adoration manifeste que suscitait l'Alcôôl chez lui (et qu'elle approuvait totalement).

Ma foi voilà qui est bien dit ! s'exclama le vampire en se précipitant sur un jambonneau pendu au plafond dans un coin de la pièce. Il s'assit à la table et entama la pièce avec entrain. On aurait dit qu'avec ça dans la main, il ne voyait plus rien d'autre.

La liche regarda, stupéfaite le vampire se jeter sur le jambonneau comme la huitième plaie d'Égypte.
Elle se retira un instant dans ses pensées. Il y avait bien longtemps qu'aucune nourriture n'avait franchit ses lèvres. A quoi bon remplir un corps mort de choses mortes songea-t-elle, pragmatique.
Lorsqu'elle reporta son attention sur le vampire toujours affairé sur le jambonneau. Elle frissonna de dégoût.
"Mais enfin, Azariah! Comment fais tu pour engloutir autant de nourriture, tu es un non-mort, comme moi. Soit tu étais anorexique avant d'être étreint et tu aimes te faire vomir, soit tu as un secret pour ne pas te changer en outre putrescente..."
A cette idée, elle porta machinalement sa main à la bouche dans un haut le cœur "inutile" et reprit la parole en s'approchant d'Azariah.
"Tu ferais mieux d'être un brin galant et d'en laisser un morceau pour la demoiselle mortelle qui a, elle, besoin d'alimenter son corps!!"
Elle finit sa phrase en arrachant des mains du vampire ce qu'il restait du jambonneau pour le tendre à Wilwarin.

Sa pièce de viande disparu de sa vue en un instant. Ses mains restèrent figées comme si elles tenaient toujours le jambon, et son regard vide s'immobilisa dans le néant.

"Son regard vide s'immobilisa dans le vide" Eh bien, on s'sent quelque peu... vidé, très cher, après la soirée qui a été tienne ?
- aparté off



"Mh... Merci."
Wilwarin attrapa un couteau et entreprit de se couper une tranche de l'énooooorme jambonneau, pour l'engloutir en moins de deux - elle était bien plus affamée qu'elle ne le pensait, finalement, et l'impulsivité communicative d'Azariah n'aidait pas.
"Par contre, euh, vous m'excusez mais c'est qu'effectivement je suis mortelle, et j'vais donc de ce pas finir ma nuit...
Je suppose que je peux vous faire (à peu près) confiance.
- Ah, non, Azariah, tu oublies de suite l'idée de boire tout le rhum !"

(oui ben tout le monde a ses moments de faiblesse hein... j'ai édité)

La fille s'éclipsa, Azariah n'avait pas bougé, ni changé d'expression. Peut-être avait-il bugué au moment où sa nourriture lui avait été retirée et qu'il attendait sagement qu'on lui remette sa nourriture entre les mains pour qu'il recommence à vivre.

(Changer "vide" par "néant"... Bravo Eblouissant ! vraiment !)

Sparkling Romance a écrit:

(Changer "vide" par "néant"... Bravo Eblouissant ! vraiment !)

rrrrah... caca !

Arrête ton flood !

Mode flood ON

Bon ça suffit les chamailleries!

Mode flood OFF

La liche s'inclina légèrement pour souhaiter une bonne nuit à la jeune fille qui quitta la pièce.
Elle se tourna ensuite vers le vampire, toujours figé... C'était un peu comme si en lui arrachant des main sa pitance, Anathème l'avait dépossédé de son âme. Elle se pencha sur lui et observa son regard fixe et vitreux. Elle passa sa main osseuse à plusieurs reprises devant ses yeux qui ne cillèrent à aucun moment. Dans un petit rire étouffé, elle secoua la tête et alla chercher la cuisse de viande sèche qu'elle remit entre les mains du vampire en s'écriant
"Par ma toute puissance je te ramène à la vie"
Sur le ton sérieux d'une incantation contrastant grandement avec l'éclat de rire qui suivit.

(Rhô niiiion ! Criminelle ! Il fallait lui faire des chatouiiiiiilles ! Rhâ !)
(Bon, j'arrête le flôôd, c'pas sérieux tout ca. *sort*)

méga

La pitance ayant regagné sa place naturelle, le nez du vampire remua légèrement comme une petite truffe animale. En quelques secondes le bonhomme s'anima et engloutit ce qui restait, concluant par un rot grossier, se léchant allègrement les babines comme un primitif. Ce qu'il était dès qu'il était question de manger.

Il se tourna enfin vers Anathème en affichant un grand sourire. Puis il se leva de table, salua plus bas que terre son amie avec un :"bonne soirée très chère" et disparu par la porte donnant dans le grand hall.

Empruntant l'un des grands escaliers latéraux, il monta au premier. Une porte double semblait mener à une pièce située juste au dessus de la cuisine. Il poussa les portes d'un geste lent. Il se retrouva dans une chapelle.

Elle mesurait une dizaine de mètres de long, et se terminait au fond en arc de cercle. Ses murs étaient ouverts d'une série de vitraux aux couleurs vives. Il n'y avait aucun banc sur les flancs, mais un autel richement ouvragé y était encore présent. L'harmonie de l'endroit lui plu immédiatement. Un sourire d'enfant émerveillé illumina un visage qui frisa un instant l'innocence.

Il jetta un coup d'oeil par le vitrail du fond. La pièce semblait s'avancer hors de la structure générale du bâtiment pour gagner sur un vaste jardin intérieur. Au peu au fond de ce jardin, exactement en face de sa "chambre", s'élevait une crypte. Anathème y a vait sûrement déjà élu domicile.

Il revint au centre de la pièce et accomplit sur un pied un demi tour sur lui même avant de se laisser tomber en arrière, bras écartés. Il s'étala sur la pierre du sol de tout son poids. Il s'étira les membres et fit craquer sa machoire en fermant les yeux.

Demain il fera installer un lit, pensa-t-il avant de sombrer dans un profond sommeil.